Droit de grève et Réquisition dans le secteur privé : Que dit la Loi ? Qui est concerné ?

Ces derniers mois ont été rythmés par des périodes de grèves très suivies. En octobre 2022 avec le blocage des raffineries, et actuellement dans le cadre de la réforme des retraites.

Une nouvelle journée d’action contre la réforme des retraites est prévue ce jeudi 16 février.

Il est à nouveau évoqué la possibilité de recourir à la réquisition de salariés grévistes.

L’occasion pour nous d’en rappeler brièvement le cadre. 

Quelles sont les possibilités pour l’employeur ? Quels sont les impacts pour le salarié ?

Confronté à un mouvement de grève, l'employeur est tenu d'assurer la poursuite de l'activité de l'entreprise afin de donner aux salariés non-grévistes les moyens d'accomplir leur travail et de leur verser leur salaire.

L’employeur doit aussi éviter une baisse d’activité et de production, préjudiciable aux intérêts de l’entreprise, mais également aux utilisateurs de services collectifs.

L’employeur peut-il remplacer des salariés grévistes ? 

Non, il ne peut pas embaucher une personne en CDD ou un intérimaire pour remplacer un salarié gréviste. Cependant, l’employeur peut demander aux non-grévistes de réaliser les tâches d'ordinaires dévolues aux grévistes. 

L’Etat peut-il réquisitionner les grévistes ? 

Dans certaines situations exceptionnelles, l’Etat va être contraint de réquisitionner des salariés grévistes, droit qui a vocation première à s’appliquer pour les services publics en cas d'atteinte grave à la continuité du service, à condition que la loi le prévoit, et dans le cas où l'interruption de leur activité serait de nature à compromettre l'ordre public.

En droit français, deux textes permettent en théorie la réquisition de salariés :

1-      l’article L.1111-2 du code de la défense, l’exécutif peut, par décret, mobiliser des personnes et des biens « en cas de menace portant notamment sur une partie du territoire, sur un secteur de la vie nationale ou sur une fraction de la population ».

En pratique, ces dispositions sont extrêmement limitatives et rarement mises en œuvre ;

2-      L’article L.2215-1 du code général des collectivités territoriales donne aussi pouvoir aux préfets, par arrêté, de « requérir toute personne nécessaire » lorsque « l’atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l’exige ». Ce texte, résultant de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003, s’applique aussi à la réquisition de salariés grévistes de droit privé, (CE 9 décembre 2003 n° 262186). L'article L. 2215-1, permet au préfet d’ordonner une mesure de réquisition justifiée par l'urgence et si la mesure est proportionnée aux nécessités de l'ordre public.

Par conséquent, pour obtenir la réquisition de salariés grévistes, l’employeur n’a d’autre choix que de s’adresser au préfet, seul compétent pour prononcer une telle mesure, le juge judiciaire, même en référé, n’étant pas compétent pour statuer sur une telle demande.

Les activités susceptibles d’être concernées par la réquisition des salariés grévistes sont notamment :

- le secteur de l’énergie (CE, 27 oct. 2010, n° 343966 ; TA, Châlons-en-Champagne, 2e ch., 21 oct. 2019, n°1902530) ;

- le secteur de la santé (CE, 9 déc. 2003, n° 262186 ; TA RENNES, n° 2205246 et 2205262)

Les conditions strictes de réquisition s’apprécient au cas par cas au vu de l’urgence et avec la recherche continue de la proportion de la mesure aux nécessités de l’ordre public.

Rappelons que le refus d'exécuter les mesures prescrites par l'autorité requérante constitue un délit qui est puni de six mois d'emprisonnement et de 10 000 euros d'amende.